Jan Hakon Erichsen : “Je me vois presque comme l’un des objets que j’utilise”
Jan Hakon Erichsen est un artiste norvégien connu pour ses vidéos hors du commun, son style original et absurde de performances destructives.
Pour ceux qui ne sont pas familiers avec votre art, pouvez-vous présenter ce que vous faites ?
Je fais de courtes vidéos de destruction que je diffuse sur diverses plateformes internet. Les vidéos impliquent souvent des machines bricolées que je crée au préalable, qui démolissent des objets du quotidien tels que des ballons, des spaghettis ou des tasses à café.
Pourquoi avez-vous choisi l’art de la performance ? Qui et qu’est-ce qui inspire vos performances destructives ?
J’ai fait une formation de sculpture mais je pense que je m’étais toujours dirigé vers la performance. Il y avait toujours un élément performatif dans mes sculptures et ce côté de la performance est progressivement devenu l’objectif principal. Il y a quelque chose dans l’aspect de “cause à effet” dans mon travail qui serait impossible sans la vidéo et l’art de la performance.
Quand j’étais étudiant en art, j’ai acheté un livre appelé “The Artist’s Body”, qui est une vaste collection d’art relatif au corps, et ce livre a eu un énorme impact sur moi. Il m’a introduit en particulier aux oeuvres de Chris Burden, qui m’ont beaucoup influencé durant ces années de formation. Plus tard, j’ai découvert des artistes qui avaient une approche à l’art plus ludique et humoristique tels que Roman Signer, Erwin Wurm et Peter Land. C’est probablement ce mélange de danger, de destruction et d’amusement qui a été le plus important pour moi.
Selon votre expérience, l’image de l’artiste par rapport à son art a-t-elle une importance ?
Avant, j’essayais de tout faire pour ne pas être visible dans mes propres vidéos et j’étais très mal à l’aise face à une caméra. Cependant maintenant je me vois presque comme l’un des objets que j’utilise, profitant de la forme de mon corps et de mes limites pour faire des vidéos plus intéressantes.
Je pense que les gens se sentent plus concernés par mon travail, maintenant que j’en fais parti, mais je pense que c’est aussi car je ressemble à un homme générique d’âge moyen, tout le monde connaît quelqu’un qui me ressemble.
Quels mouvements artistiques actuels préférez-vous et lesquels sont selon vous les plus influents?
Je trouve qu’il est difficile de désigner des mouvements contemporains spécifiques, mais je suis très influencé par d’autres artistes qui travaillent avec des performances ou des sculptures. Des artistes de tous genres qui utilisent l’humour dans l’art. Surtout s’ils sont actifs sur les réseaux sociaux. Dans l’histoire de l’art ce serait les mouvements Dada, Néo Dada, Fluxus et Arte Povera qui ont été les plus importants pour moi, et bien sur les premières performances et l’art vidéo.
Comment les réseaux sociaux influencent vos créations et vous même ?
Je passe beaucoup de temps en ligne et je suis très intéressé de voir comment les gens hors du monde de l’art utilisent les vidéos pour s’exprimer. Parfois je fais des vidéos qui se réfèrent directement à la culture web, comme des vidéos instructives DIY. Sans le format Instagram où les videos tournent en boucle, je n’aurais jamais fait des vidéos aussi courtes que maintenant. J’ai récemment commencé à utiliser TikTok et cela a ouvert la possibilité de rajouter de la musique, ce que je n’avais jamais fait avant.
Donc en effet, les plateformes ont une influence directe sur mon travail.
En tant qu’artiste, pensez-vous que l’art a un impact important en temps de crise comme celui que nous traversons aujourd’hui ?
J’ai eu beaucoup de mal avec cette question récemment. D’abord, toute la situation avec le Corona était écrasante, puis j’ai décidé de continuer comme d’habitude et offrir mon art comme un soulagement et les gens semblent apprécier cela. Mais avec le mouvement Black Lives Matter, soudainement je ne suis plus sûr de cela et j’ai arrêté de publier aussi régulièrement, le temps de comprendre quoi faire. J’utilise mon Twitter surtout pour retweeter des gens avec des messages plus importants que les miens en ce moment, et j’utilise mes stories Instagram de la même façon.
Au bout du compte je vais surement reprendre ce que j’ai toujours fait, mais pour l’instant je pense qu’il est important de faire entendre d’autres voix. Je suis très déçu de l’injustice rapportée, mais en tant qu’artiste norvégien, vivant dans un des endroits les plus sûrs au monde, je ne pense pas que c’est moi qu’on doive écouter maintenant.
Découvrez le travail de Jan Hakon Erichsen sur son site internet et son instagram.
Propos recueillis et traduits de l’anglais par Maria Krasik
Articles liés
“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune
A dix-sept ans, Yasser, le frère de Rabih Mroué, subit une blessure qui le contraint à réapprendre à parler. C’est lui qui nous fait face sur scène. Ce questionnement de la représentation et des limites entre fiction et documentaire...
“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins
Victor l’a quittée. Ils vivaient une histoire d’amour fusionnelle depuis deux ans. Ce n’était pas toujours très beau, c’était parfois violent, mais elle était sûre d’une chose, il ne la quitterait jamais. Elle transformait chaque nouvelle marque qu’il infligeait...
La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”
Raconter la vie d’une femme dans sa poésie propre, de l’enfance à l’âge adulte. En découvrir la trame, en dérouler le fil. Les mains féminines ont beaucoup tissé, brodé, cousu mais elles ont aussi écrit ! Alors, place à leurs...